Dans la suite de mes lectures de l’été, je me suis attelée à la lecture de cet essai d’Ivan Illich (219 pages). Lecture laborieuse (peut-être est-ce imputable à la traduction ?), mais très intéressante (l’Appendice peut être lu seul et représente une bonne synthèse). Illich est un penseur radical, très critique de notre société industrielle. Ici, il poursuit sa lutte contre l’obéissance aux institutions en prenant l’exemple de l’école.
Confusion entre éducation et scolarité
La thèse d’Illich repose sur le fait que notre société confond « acquisition des savoirs » avec « scolarité ». L’Ecole (l’institution avec un grand E) a confisqué, monopolisé l’acquisition des savoirs. Ce qui conduit à plusieurs conséquences :
- L’individu est dessaisi de son éducation : il est déresponsabilisé et passif, soumis aux programmes scolaires (ses envies importent peu)
- Les apprentissages non scolaires « ne comptent pas », voire font l’objet d’une suspicion s’ils ne sont pas proposés par des éducateurs diplômés, certifiés par l’Institution. Les personnes qui ne seraient pas des professionnels de l’éducation n’osent pas proposer leurs services.
- L’échec scolaire est synonyme d’échec de l’apprentissage des savoirs ; la majorité des emplois étaient soumis à des impératifs de diplômes, l’échec scolaire est synonyme d’handicap dans la vie
- Tout l’argent dévolu par la société à l’éducation est monopolisé par l’Ecole
L’Ecole au service de la société de la croissance
Or l’Ecole est une institution qui sert d’autres objectifs (Illich parle de pré-aliénation) au service de la société de consommation. Des besoins sont créés engendrant une course aux diplômes. L’Ecole a pour objectif qu’on y reste le plus longtemps possible, c’est assez étrange, non ? Illich dénonce aussi l’illusion des pédagogies nouvelles et de la ludification des enseignements à l’Ecole, qui n’est qu’un vernis sur une institution problématique. L’Ecole aussi est en contradiction avec les principes mêmes qu’elle est censée faire acquérir :
- tout savoir ne peut être construit que personnellement et l’Ecole dessaisit l’individu de cela en le faisant devenir un consommateur de cours (là, il rejoint Piaget)
- l’esprit critique qui devrait être à la base des apprentissages ne pas se développer dans une institution qui, par son pouvoir disciplinaire, impose la soumission de l’individu aux programmes « validés »
Comment apprendre dans une société sans école ?
Les savoirs sont acquis dans la cité, dans des réseaux de savoirs. C’est à dire, à travers des relations avec des personnes plus savantes, mais aussi des pairs. Illich imagine donc un crédit enseignement qui pourrait être attribué à chaque personne. Elle utiliserait cet argent librement pour accéder à des enseignements auprès des personnes ou structures qu’elle aura choisies. Il insiste aussi sur l’importance des pairs dans l’apprentissage, ce qui permet de redevenir maître de ses apprentissages.
Ce livre nous appelle donc à reconsidérer notre regard sur l’Ecole et ce n’est pas chose facile tellement son pouvoir s’est exercé fortement et dès notre plus jeune âge. Ce livre nous invite finalement à nous déscolariser en tant qu’individu, en tant que génération afin de construire une société libre.