Suite de la série de témoignages sur la sélection en master de psychologie: Mélissa a passé la sélection en 2018-2019, soit une des premières promos à connaître cette épreuve pour l’entrée en Master 1 (auparavant, la sélection avant lieu entre le M1 et le M2). Cela n’a pas été facile, mais elle a intégré un master de psychologie du développement à Caen l’année dernière. Elle nous raconte son parcours.
Est-ce que tu peux te présenter ?
Je suis Mélissa, et j’ai repris mes études à 25 ans après pas mal de galères. J’ai d’abord obtenu un bac ST2S (en vue d’être psy) et finalement le bac ne m’as pas plu. Je me suis un peu perdue en chemin et après le bac j’ai fait des formations professionnelles du danseur à Aurillac et à Toulouse. Finalement, la désillusion s’est repointée et j’ai de nouveau changé de voie. J’ai fait un CAP esthétique par correspondance, et en même temps j’ai commencé à alterner stage et petit job en parfumerie. J’ai finalement eu mon CAP et j’ai continué à cumuler les CDD sur plusieurs chaînes de parfumerie.
Après différents échecs de contrats (on ne me proposait jamais de passer en CDI malgré des dizaines de CDD les uns à la suite des autres) et des horaires assez compliqués, je me suis dit que ce n’était pas le travail que je souhaiterais faire jusqu’à mes 60 ans.
Alors j’ai pris une année « sabbatique » et j’ai réfléchi à mon avenir, tout en faisant un bilan de compétences au CIBC du pôle emploi de ma région. Qui clairement ne m’a absolument pas éclairé, car je savais déjà que je voulais reprendre des études (ce qui n’est pas le but du programme).
Comment s’est passée ta Licence ?
J’ai donc attendu l’année suivante pour m’inscrire en L1 Psychologie à Albi. Au départ, je me suis dit que j’allais faire une licence, que ça boosterait mes chances pour l’emploi en général, et que j’étudierais en même temps une matière qui me passionnait depuis toujours. Je me suis dit que j’allais tenter d’être conseillère à pôle emploi après ma licence ou conseillère d’orientation.
Finalement, en L2 je me suis prise de plus en plus au jeu de la psychologie et j’étais de plus en plus impressionnée par l’esprit humain. Clairement, je ne pouvais pas en rester là. Dans ma fac, on était très peu. En début de licence, dans les 150, puis en L3 nous étions seulement 80 à valider la licence. En L3 c’était sûr : j’allais postuler en M1 ! Je voulais être en clinique plus que tout.
En janvier de ma L3, on a commencé à se renseigner sur les masters (par nous-même car n’ayant pas de master dans notre fac on ne nous renseignait pas) et à faire nos petites lettres de motivations et préparer des possibles entretiens grâce à une option que j’avais choisie en L3 ‘Portefeuille de Compétences’. Au début j’étais hyper spécifique en me disant qu’il n’y aurait surement pas autant de demandes que dans les cursus plus ouverts. Erreur. Plus c’est spécifique, moins il y a de places, et encore plus de désillusion.
A partir du mois de mai, j’avais déjà fait une quinzaine de demandes et les refus s’enchaînaient. C’était la douche froide. On n’était pas préparés à se faire ramasser comme ça. On nous disait qu’avec une licence mention AB on avait nos chances. En fait on ne nous avait pas forcément renseigné sur les chances à mettre de notre côté : bénévolat, stages, conférences, … A la moitié des sélections et les refus me disant « niveau académique insuffisant », j’ai vite compris que je n’aurais rien.
Dans un élan de désespoir j’ai postulé à toutes les facs dans lesquelles je n’aurais même pas eut idée de mettre les pieds quelques semaines auparavant et j’ai ouvert les candidatures sur une deuxième orientation : le développement. Quelques facs m’envoyaient des mails pour me dire que mon dossier était « présélectionné » par la commission et rapidement après je savais que je recevrais un refus pour résultats insuffisants.
Désolée je viens de me rendre compte que j’ai fait un GROS résumé de mes 4 dernières années.
et me dire comment se sont passées ta licence 1 et licence 2 ? Est-ce que pendant ces années-là tu avais déjà en tête de préparer la sélection ? Est-ce que tu étais informée des procédures de sélection ?
La L1 s’est bien passée, mais j’attendais avec impatience de faire de la psycho. Je m’ennuyais un peu. La L2 m’a enfin intéressée et c’est à partir de mon S4 que j’ai su que je voulais aller en master après la licence. Mais je me jetais un peu dans le bain sans savoir ce qui m’attendais. Je me renseignais comme je pouvais avec une amie mais les profs ne nous disaient rien. Ils ne savaient pas (du au fait qu’il n’y avait pas de master dans notre fac et que la sélection était nouvelle à la rentrée 2018) ce qui allait être demandé à part à Toulouse et je ne voulais absolument pas postuler à Toulouse. On a seulement su que les sélections se faisaient en L3 et dans un sens on était contents car on se disaient qu’il valait mieux subir une sélection en L3 plutôt que d’être stoppé net en M1 sans pouvoir finir un M2. Mais on a vite déchanté durant les sélections…
- Comment s’est passée ta L3 (sur le plan des notes, du stage, du TER, ambiance, stress…) ?
La L3 s’est pas trop mal passée, mais j’était très stressée car je savais que si je voulais postuler en M1 il fallait que j’aie un dossier béton. Je me suis plantée au semestre 5 (par rapport à mes résultats précédents) et je me suis dit que je m’étais trop mis la pression. Finalement le semestre 6 a été le meilleur de toute ma licence donc ça a rattrapé mon S5. Dans ma fac il n’y avait pas tant d’enjeu que ça finalement les ¾ ne voulaient pas de master psychologie. Finalement on a été qu’une vingtaine à avoir un master psychologie. Le reste master MEEF ou autre chose.
- As-tu fait des stages pendant ta licence ? des stages complémentaires ? as-tu fait d’autres activités (pro, bénévolat) dans le but d’améliorer ton dossier de sélection ? As-tu fait des formations complémentaires (DU, conférences, etc.) ?
J’ai fait un stage en L3 qui était obligatoire : 130h. concernant les stages complémentaires je n’en ai pas fait car je ne connaissais pas les enjeux de la sélection et idem pour le bénévolat et les formations complémentaires… On nous a dit que ce serait bien de mettre les activités extra scolaires sur notre dossier de candidature au semestre 6 alors qu’on avait déjà tout envoyé. A aucun moment durant notre licence on ne nous a dit que cela aurait une incidence sur les sélections en master.
- Quel a été ton plan pour préparer ton dossier ? Quels conseils as-tu reçus, suivis ? Avais-tu une promesse de stage pour le M1 ? As-tu des conseils pour les futurs L3 ?
Pas de plan du coup pour préparer mon dossier, car justement je n’ai reçu aucuns conseils ni aucun suivi de la part de mes enseignants.
Je pense que la sélection a lieu depuis 2 ans maintenant les facs doivent mieux renseigner les L3 mais les conseils que je peux leur donner c’est tout faire en vu d’un master. Ce ne sera jamais de trop : conférences, stages supplémentaires, lectures annexes… et surtout être soi-même durant les entretiens. On se défend toujours mieux en étant soi.
Dans combien de masters as-tu candidaté ?
J’ai candidaté dans 33 masters dans toute la France ! Je les ai choisis en fonction de leur option au départ (je penchais vers la criminologie et pour les médiations thérapeutiques par l’art) puis ensuite j’ai été moins sélective et ouvert à la clinique en général et ensuite et enfin en développement.
Ma stratégie c’était pour chaque master de montrer pourquoi je serais la candidate idéale : pour médiation par l’art j’ai fait jouer le fait que j’étais danseuse dans une compagnie de danse depuis 4 ans, que j’avais fait du bénévolat dans des concours de danse et que j’étais très douée en art plastiques (notes au bac…) etc. Par contre ça n’a pas marché lol donc je ne sais pas si ça va vraiment servir…
As-tu passé des entretiens ? Comment les as-tu préparés ?
J’ai donc passé 2 entretiens dans la même fac : Caen en master psychologie de l’éducation et psychologie de l’enfant de l’adolescent et de la famille. Pour me préparer j’ai écumé le site de la fac de Caen et j’ai tout épluché. Le lieu, les bâtiments (classés à l’UNESCO), les enseignants, les laboratoires, les enseignants chercheurs, leurs recherches… et j’ai noté sur une feuille les sujets qui m’intéressaient. J’ai su le lundi que je devais passer le mercredi… tout en devant réfléchir à comment me rendre en 1 jour à 8 heures de route de chez moi en plein mois de juillet… Pour le reste, j’ai donc misé sur la spontanéité.
On m’a demandé de me présenter, de présenter mes expériences, et ce qui faisait que j’étais là devant eux aujourd’hui. J’ai parlé sans tabou, de ce qui m’amenais et de mon parcours semé d’embuches. Les questions étaient essentiellement basées sur mes expériences, sur mes stages et ce que j’aimerai bosser. J’ai pu placer des petits coups de pouces pour ma sélection : les recherches qui m’intéressaient, et les enseignants que j’avais noté sur ma feuille qui bossaient sur les sujets qui m’intéressaient. J’ai de suite vue que les enseignants étaient flattés. J’ai dit que j’aimerais bosser sur le sujet pour telle ou telle raison et j’ai dit pourquoi j’avais postulé dans ce master : notamment le fait que je voulais travailler avec les familles. Pourquoi ? parce que s’ils ne soutiennent pas leur enfant, la thérapie se casse la gueule en bref je leur ai expliqué que c’était hyper important de les soutenir pour qu’eux puissent soutenir à leur tour leur enfant au mieux.
Mes conseils seraient donc d’être spontané et de répondre sincèrement aux questions… Ils savent quand les réponses viennent de vous ou si ce sont des réponses toutes faites pour cocher des cases..
Comment as-tu géré la période d’attente des réponses ?
J’ai très mal vécu cette période comme je le disais… Stress, angoisse, je ne dormais plus et j’étais très irritable…
Quelles réponses as-tu obtenues ?
Sur les 33 demandes j’ai eu 31 refus et 2 acceptations seulement. Les motifs de refus étaient essentiellement « résultats insuffisants » ou « projet ne correspond pas avec la thématique du master » ou « votre niveau académique ne vous permettra pas de poursuivre cette formation avec succès » la plus dure … Je trouvais ça surprenant au début en me disant que certaines facs sont plus exigeantes que d’autres…
Finalement, j’ai reçu deux mails de convocation dans la même fac pour 2 masters différents. Le 16 juillet. Je m’en souviens car je devais y être le 18 juillet et c’était à 8 heures de chez moi. Je me suis dit que ça allait être impossible et que c’était une désillusion de plus. J’ai de la chance d’être très bien entourée. Le lendemain je partais à l’entretien. Je ne sais pas ce qui a plu dans mon dossier et ce qui a déplu dans les autres facs. Toujours est-il que à la suite de ces deux entretiens j’ai été acceptée dans les 2 masters.
Recevoir ces deux acceptations, ça a été le soulagement et surtout j’ai longtemps eu du mal à y croire. Jusqu’à la rentrée en voyant mon nom sur la liste je n’y croyais pas. La sélection a été terrible pour moi. Je l’ai très mal vécu et j’imagine une seconde ce que doivent ressentir les personnes qui ne sont prises nulle part avec des justifications incohérentes… Je ne comprends toujours pas ce qu’ils attendent… Encore aujourd’hui je me souviens de la tension et du stress qui m’ont envahis durant 3 mois…
- D’une manière générale, comment toute cette sélection s’est passée pour toi sur le plan psychique ? T’es tu senti.e entouré.e, seul.e ? As-tu ressenti de la compétition au sein de ta promo etc ?
Quand j’ai vu les mêmes refus dans toutes les autres facs j’ai douté de moi en me disant que en fait j’avais un dossier merdique et que je ne comprenais pas pour qui je me prenais à vouloir faire un master que je ne serai prise nulle part… Et finalement c’est arrivé ! Mais depuis ces sélections j’ai beaucoup de mal à croire en moi. C’était déjà difficile car je suis très exigeante envers moi-même et ça n’a fait que renforcé cette partie de ma personnalité, de mon caractère qui me rend la vie assez compliquée je dois l’avouer. Je me suis sentie assez seule car mes copines avaient rapidement trouvé chaussure à leur pied (master psychologie sociale de la santé et développement) malgré un dossier inférieur au mien en matière de résultats.
Après au niveau de ma promo aucune compétition car on ne savait pas forcément qui allait postuler en master et on était très peu et à postuler justement dans des facs complètement différentes et loin de notre fac d’origine donc pas mal d’entraide à la rigueur je dirais.
- Qu’est-ce que tu as fait (ou fait) l’année qui a suivi ta première étape de sélection ? Si jamais tu as repassé la sélection plusieurs fois, peux-tu me dire ce que tu as fait les années suivantes ?
Du coup je suis entrée en master 1 psychologie de l’enfant de l’adolescent et de la famille à Caen. C’était une année assez difficile pour moi. Je n’ai pas eu le temps de me remettre de la sélection que je devais trouver un logement à l’autre bout de la France, et m’embarquer dans un master du développement alors que ma fac était orienté cognitif. Les premiers mois ont été très durs car je devais m’impliquer dans un TER seule, ce que je n’avais jamais pratiqué auparavant. Passer des oraux seule devant mes camarades et devant tous les enseignants chercheurs de ma discipline (6 enseignants chercheurs ça fait drôle), ce que je n’avais jamais fait, et surtout croire au fait que j’avais bien été prise. Puis les premiers temps je ne comprenais rien. Je n’avais pas eu la même formation donc j’ai dû me remettre à niveau vis-à-vis de la fac et les enseignements qu’ils dispensaient en licence en développement. Heureusement j’ai été entourée par ma promo. J’ai validé mon M1 mention AB mais j’ai beaucoup souffert de cette année : stress chronique, déprime, fatigue, prise de poids, irritabilité, difficultés de sommeil…
Est-ce que tu as des regrets ?
OOOOOOh oui j’en ai ! j’aurais dû postuler en développement plus tôt et pas attendre que toutes les facs du sud me refusent pour me dire merde je devrais étendre mes demandes au développement pour être prise dans le nord finalement. Mais en vérité, je suis bien tombée. J’ai eu beaucoup de chance, on a une promo super, on a tous mal vécu cette sélection et on est plus ou moins tous des bras cassés donc on s’est soutenus ! J’aurais aimé être plus renseignée sur la sélection mais c’était tout nouveau partout en France et il est vrai que malgré ça les profs auraient dû nous donner des conseils pour ceux qui voulaient continuer même si on était pas nombreux.
As-tu des conseils ou un mot de la fin pour les étudiants qui vont s’apprêter à passer cette sélection ?
Je pense que j’ai à peu près tout dit. J’espère que je ne vais pas les effrayer mais il faut vraiment savoir que le master de psychologie ce n’est pas une partie de plaisir. C’est très difficile et ça nous pousse vraiment dans nos retranchements, car malgré le fait que nous soyons sélectionnés, ils nous ont avoué que parfois ils essuient des « erreurs de castings » … tout n’est pas gagné quand on est sélectionnés… Il faut tout donner, en cette année de M1 car elle est déterminante aussi pour le diplôme… Courage !
Merci pour ce témoignage, bonne réussite à toi pour les années à venir